Premiers pas vers l’ostéopathie
Thérapie. Si consulter un ostéopathe pour sa santé rentre peu à peu dans les mœurs, c’est moins courant pour les bovins. L’ostéopathie peut pourtant prévenir et traiter certains troubles fonctionnels des animaux. Des éleveurs s’initient à cette pratique.
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Une dizaine d’éleveuses et éleveurs de Saône-et-Loire, ouverts aux médecines dites « alternatives » ou « complémentaires », et soucieux du bien-être de leurs animaux, ont participé cet hiver à une formation proposée par Acsel Conseil Élevage. Une partie d’entre eux avait déjà fait appel à un ostéopathe, avec plus ou moins de réussite. Dans un contexte de réduction des charges et de plan Écoantibio, ces producteurs de lait (80 à 150 laitières par atelier) cherchent à travailler autrement. « En présence d’un problème traumatique, annonce l’un d’entre eux, je ne fais plus venir de vétérinaire car il ne donne que des anti-inflammatoires ou des antibiotiques. » « Après un vêlage difficile, il y a sûrement des choses à faire pour soulager l’animal », estime, pour sa part, une jeune agricultrice.
Savoir poser un diagnostic
Au cours de deux journées interactives animées par des professionnelles des thérapies manuelles, Nadège Canard, ostéopathe DO (c’est-à-dire diplômé en ostéopathie), et Aurélie Maure, productrice de lait et formée à la biomécanique animale, les agriculteurs ont revisité l’anatomie et la biomécanique des bovins.
À partir de cas concrets, ils ont appris à analyser une boiterie, à diagnostiquer une fracture (et/ou fêlure), à intervenir en cas d’œdème ou d’hématome. Grâce à une manipulation de la première vertèbre cervicale, ils ont compris comment déclencher les réflexes de succion et de déglutition d’un veau « mou ». « Souvent, il s’agit d’un veau apathique, qui ne se lève pas, ne tète pas et présente une limitation de mobilité de la première vertèbre cervicale. Ce blocage peut être consécutif à un positionnement in utero et/ou à un passage difficile au vêlage (avec ou sans intervention humaine). Une manipulation directe non invasive et infradouloureuse (en douceur) permet de retrouver un tonus musculaire de l’encolure. Le veau peut à nouveau tenir et lever sa tête. Le réflexe de succion-déglutition se déclenche immédiatement », explique Nadège Canard.
Redonner de la mobilité
L’ostéopathie est fondée sur une approche globale de l’animal. Une boiterie sur l’un des membres peut ainsi provenir d’un problème de colonne vertébrale, et non du membre en lui-même. « La majorité des boiteries proviennent du pied. La première chose à faire est donc d’examiner ce dernier », note Nadège Canard. La présence de chaleur et d’un pouls sur l’artère pédieuse (artère du bas du pied) confirmera qu’un problème de pied (panaris, abcès, infection…) est à l’origine de la boiterie, ce qui ne relève pas de l’ostéopathie.
Une pathologie de pied peut être suffisamment invalidante et douloureuse pour que la vache laitière adapte l’appui de son membre dans une attitude dite « antalgique ». En s’appuyant plus sur la pince que sur son talon, elle va faire « avancer » son épaule par rapport à l’autre, ce qui fera penser à l’éleveur qu’elle a un problème d’épaule. Ce qui n’est pas le cas.
Pour poser un diagnostic, le thérapeute s’appuie sur « l’anamnèse » (les circonstances et l’histoire de la pathologie) et sur l’observation de l’animal (en statique, puis en dynamique). L’attitude et la position de l’animal renseignent sur la localisation du problème. Une palpation et une mobilisation ciblées des différents éléments de la zone concernée permettent de formuler un diagnostic, et de traiter des restrictions de mobilités, responsables des signes cliniques. Seules les lésions dites « primaires » sont traitées.
En effet, du fait de lésions articulaires anciennes, l’animal met en place plusieurs adaptations, afin d’être le plus « confortable » possible. Ainsi, pour éviter de solliciter des jarrets déjà fragilisés, un bovin limitera naturellement la mobilité de son bassin.
Tenir compte de l’état émotionnel de l’animal
Dans leur examen, les ostéopathes prennent en compte également l’état émotionnel de l’animal. « On ne s’acharnera pas si la vache n’a pas l’énergie suffisante ou si son état général est insuffisant, expose notre interlocutrice. Il ne faut pas faire rêver les éleveurs. On ne relève pas toutes les vaches. » De même, les pathologies fébriles (infectieuses, inflammatoires) ou tumorales, les lésions structurelles (fractures, arrachements…) ne sont pas du ressort de l’ostéopathe.
Les principaux motifs de consultations ostéopathiques sont les boiteries, le syndrome de la vache couchée après traumatisme ou après vêlage, les troubles locomoteurs du veau nouveau-né (ne se lève pas, absence du réflexe de déglutition, boiterie…). La prise en charge ostéopathique peut être intéressante sur les problèmes d’infertilité, en particulier sur des vaches qui ne retiennent pas bien en chaleur ou sur des génisses qui n’ont pas de vraies chaleurs ou de chaleurs visibles. Les deux thérapeutes attirent l’attention sur l’augmentation du nombre de consultations (bassin, rachis, membre) consécutives à un changement important de l’environnement de l’animal : passage d’une aire paillée aux logettes, par exemple.
Anne BréhierPour accéder à l'ensembles nos offres :